240 - Le skipper virtuel humilié.

Merci Tatave.
C'est vrai que j'ai nettement merdouillé sur la fin de cette étape. Quand je pense que j'ai été dans le top 1000. Déjà, avec le coup du vent qui passe à l'est, on est nombreux à avoir été piégés, y compris des balaizes, et je pensais avoir limité les dégâts en revenant dans les 5000, j'ai doublé la dernière journée.
 
Un jour on est 900ème, on se pavane et on regarde les autres navigateurs du fond du classement avec une certaine condescendance, on fait partie de l'élite, et les regards admiratifs de tous ces skippers bien ordinaires est bien normal. On peut expliquer en détail les raisons de notre suprématie, dire comment on a calculé pour qu'à un moment donné nous puissions bénéficier de la bascule de 11 heures, et le choix difficile qu'il nous a fallu faire pour réussir à gagner encore quelques milles. On est génial, et on pense avoir enfin apprivoisé les règles de la course virtuelle, on a réussi à percer les secrets des changements de vent et des changements de voile, et on se prépare, sur la boite aux lettres à rajouter "Champion de Course au Large".
 
Et un matin, on se réveille, et tout a basculé. Les vents sont dans le nez ou sont dans le cul ! Quand il y en a ! On n'est pas à l'endroit où on devait être, et la flèche est d'une riquiquitude affligeante. On bouge la souris dans tous les sens, on fait le tour du compas, on change toutes les voiles, rien n'y fait, la seule route où on puisse atteindre une vitesse à peu prés potable nous ramène à notre lieu de départ. Et, vision insupportable, pas trés loin pourtant, on voit l'adversaire honni qui avance à une vitesse confortable. L'écran ne nous montre pas le sourire insupportable du skipper qui nous double, mais on le voit quand même, et on s'arrache les cheveux par poignées.
  
Dans l'antiquité on disait : "La roche Tarpéïenne est proche du Capitole". Maintenant on dit : "Tout prés des grands vents favorables, il y a la pétole qui guette"
 
Et l'orgueilleux skipper, humilié et redescendu sur terre, est ramené à une réalité plus prosaïque, et pendant ces longues périodes de progression escargotesque, il a tout loisir de réfléchir à la vanité de ses triomphes, et de revenir à une vision plus sereine de l'existence.