369 - La solitude du Pékateur.

Qui, oui qui, saura parler de la grande solitude du Pékateur ? Qui se penchera sur l'extrême souffrance de celui qui essaie d'être le plus juste possible pour éviter aux pékaïstes l'opprobre qui s'attache à celui qui tombe et ne se relève pas ?  
 
Là, seul, la tête entre les mains, entièrement impregné de la compassion due à celui ou celle qui n'a pas pu éviter la honte d'un faux pas, il se tord les mains et essaie de trouver la meilleure solution. Combien de fois a-t-il dû s'excuser de garder sur le PK des skippers qui ostensiblement avaient décidé de laisser leur bateau errer sans but ? Combien de fois a-t-il senti peser sur ses épaules le regard courroucé de celui ou de celle qui, abattu par un sort contraire avait renoncé à une course devenue ingérable, et qu'il avait maintenu dans un classement qui devenait ainsi synonyme de honte et de mépris.
 
Combien de fois à l'inverse, soucieux d'éviter à la pauvre victime les lazzis et les quolibets des autres skippers plus chanceux, il avait préféré ne pas montrer au vu et au su du monde entier le malheur qui frappait un skipper pourtant méritant, s'était-il vu reprocher cette trop grande discrétion ?
 
Qui aura une assez grande âme pour comprendre le dilemme qui chaque jour ou presque, déchire le pauvre Kero, seul devant le choix terrible qui lui incombe, alors qu'il est tellement conscient de la versatilité de l'être humain qu'il sait qu'il sera de toute façon villipendé et voué aux toilettes, comme un arbitre de foot-ball ordinaire ? Mesure-t-on le courage et l'abnégation qu'il faut pour décider malgré tout de prendre une décision, quand on sait qu'elle sera sévèrement jugée ?  
 
Mais je le fais quand même chaque jour, car tel est mon destin, et que je ne saurais m'y soustraire.